Et depuis le bout de la route un peu plus haut, les renforts étaient là. Les cheveux au vent, mais d’une toute autre couleur que celle des plantes. Valariel sortait la tête depuis la fenêtre du taxi qui avait bien voulu l’amener en vitesse jusqu’à la rue de la gare. Il se mordillait nerveusement la lèvre inférieure, stressant quand même au sujet de cette histoire. Dave était trop occupé au bar, et Piete avait préféré rentrer dans l’espoir d’avoir encore ses DVDs en un seul morceau. Il ne restait plus que lui pour aller voir comment la situation évoluait. Soit. Val n’était sûrement pas la meilleure aide que l’on puisse trouver dans ce genre d’affaires, mais puisqu’il s’était proposé, autant qu’il se rende utile sur les lieux. Il n’était pas du tout pressé de voir l’état du vampire qui avait fini sous un train, mais il fallait bien vérifier, si possible, de qui il s’agissait. Puis il restait cette femme, Baltimore Brown, qui était sur les lieux. S’il s’agissait d’autre chose que d’un bête suicide, la dame aurait sûrement des ennuis. Même dans le cas d’un suicide, les ennuis viendraient sûrement de pair pour les témoins... quand il n’y a pas de meurtrier, on s’en trouve un, on le juge, et on classe l’affaire. Ce n’était pas les affaires de Val, mais Dave la connaissait bien. Il pouvait bien lui rendre ça. Sauver la vie (si on peut dire) du vampire semblait impossible, mais il pouvait toujours espérer limiter les dégâts. Quand une maison prend feu, on ne peux pas reconstruire d’un claquement de doigts ce qui a été brûlé. Mais on peut s’empresser d’éteindre les flammes pour réduire le nombre de cendres.
"Vous ne pouvez vraiment pas aller plus vite ?" demanda Val tout en tapant sur la portière, comme si ça allait réveiller le véhicule.
Mais le chauffeur lui répondit simplement qu’il ne payerait pas moins cher vu que le trajet reste le même. Un soupir. Il ne restait plus que quelques dizaines de mètres. Val avait comme la gorge nouée à l’idée de s’attirer des ennuis une fois là-bas. Et cela empirait à chaque seconde. Pour se rassurer, il leva le regard dans le ciel. Il y vit une poignée d’oiseaux au plumage noir voler au-dessus des lieux, avant de descendre vers lui. Un sourire se dessina sur son visage, ravi de retrouver ses compagnons. Et la voiture s’arrêta finalement, le chauffeur lui annonçant qu’ils venaient d’arriver. Rapidement, il jeta un coup d’oeil au prix du trajet, tira de son portefeuille deux billets dont la somme correspondait au prix à quelques dollars près, et donna les dits billets au chauffeur.
"Gardez la monnaie !" lui lança-t-il peu avant de sortir de la voiture pour se diriger vers la gare.
Au bout de quelques pas de course, les quatre corbeaux qui l’avaient suivi s’approchèrent de lui. Val avait reconnu Crow parmi eux, son petit préféré. Il était encore tout jeune et il avait une aile atrophiée, ce qui expliquait pourquoi il volait maladroitement. Il se posa sur la casquette de l’incube qui salua les autres d’un hochement de tête, toujours le sourire aux lèvres. Il se sentait tout de suite mieux à leur présence. Les corbeaux étaient quelques uns de ces rares êtres que Valariel appréciait réellement, sans pour autant espérer passer une folle nuit avec. Alors que Crow tapotait amicalement du bec l’oreille de Val, ce dernier était plus préoccupée par la personne qu’il était censé rencontrer. Il avait tellement perdu de temps qu’il craignait son absence. Elle aurait pu être partie, de gré ou de force, plutôt que de l’attendre comme prévu. Ou l’incube aurait très bien pu s’être trompé d’endroit. Dans son empressement, il aurait vite commis une erreur. Un de ses corbeaux se mit soudain à croasser à l’attention du vampire. Il regarda dans le même direction que son compagnon et aperçut une femme assez grande. Elle devait faire pratiquement deux mètres de haut. Rousse, musclée... c’était sûrement d’elle que Pieter et Dave parlaient tout à l’heure. Et si ce n’était pas elle... tant pis, autant se jeter à l’eau ! Valariel s’approcha donc de la dame, et lui demanda le plus calmement possible :
"Excusez-moi, seriez-vous Baltimore Brown par hasard ?"
Il hésita fortement à rajouter ou pas "c’est Dave qui m’envoie" mais il préféra finalement se taire, de peur qu’il ne s’agisse pas de Baltimore Brown, mais d’une citoyenne qui avait une dent contre les vampires. On ne sait jamais, des fois que Valariel serait tombé sur une représentante des forces de l’ordre...