Beatus Vir Qui Suffer Tentationem

Pourquoi était-il là, à errer sans but précis dans ce cimetière… Au fond, il n’en savait rien, il semblait errer un peu partout, son visage et son aspect sans doute jouaient beaucoup là-dessus… Enfin, se promener dans un cimetière sans bonne réputation, sans armes, ou même moyens de défense quelconque, c’était assez dangereux. Mais persuadé qu’il était d’être intouchable, à cause de tous ces stupides gens qui l’évitaient. Non, au fond, il était invisible. Un fantôme vivant. Le vent s’engouffra dans sa tunique, la soulevant légèrement, les remous du tissu accompagnant le bruit sordides de ses pieds nus dans l’herbe humide. Brusquement, il s’arrêta. Levant légèrement le visage, sentant l’air comme un animal aux abois, se tenant immobile, il put sentir la présence d’une autre personne… Qui ? Où ? Pourquoi ? ça il ne le savait pas… Il reprit lentement sa marche, laissant ses pieds imprégner l’herbe, ses yeux essayant tant bien que mal d’apercevoir une silhouette quelconque dans l’obscurité lunaire. Un sentiment lui noua l’estomac, et il en regrettait presque de s’être trouvé dans ce cimetière…

Il eut peur jusqu’à entendre quelques bouts de chanson. Diable, mais qui pouvait chanter à une heure pareille, dans ce cimetière sans avoir la moindre peur collé au ventre ! Et en plus, il connaissait… Mais il s’empêchait simplement d’utiliser sa voix. Il n’en avait pas besoin, et c’était un instrument important dans la vie de tous… Marginal ? Oh, il l’était depuis qu’il était sortit du ventre de sa mère, il n’était donc plus à ça près… Il regarda du coin de l’œil les mouvements d’arbres décharnés ou simplement morts, l’herbe ondulée… Jusqu’à sentir un regard froid sur lui, sur lui et sur ce qui l’entourait. D’où venait ce regard ? Qui ? Qui ?? La respiration du wiccan se désordonna un instant, jusqu’à ce que cette sensation de voyeurisme s’estompe. Tournant ses yeux, il vit enfin se découper dans la noirceur une silhouette masculine. Soupire. Il allait encore passé pour un faiblard.

Avec la plus grande discrétion du monde, avec le plus grand silence possible, il s’approcha, et vint se poster derrière l’homme. Le nez à quelques centimètres de la nuque de celui-ci, il respira profondément l’odeur de l’humain, en remplit ses poumons. Il le suivait doucement dans sa marche, se calquant sur son rythme, tenant sa tunique telle la robe d’une grande dame, dévoilant des jambes d’un blanc immaculé. Il eut simplement peur de la réaction de cette personne qu’il considéra comme dangereuse et immorale, avec son arme au bout de la main. Mais, le jeune wiccan s’était fait une raison depuis qu’il vivait en ville : aucun n’était comme lui, aucun ne pouvait comprendre pourquoi il répugnait les armes… Il était simplement tolérant et se taisait sur ce point. D’ailleurs, il se taisait tout court.

Avait-il sentit sa présence ? Oh certainement… Enfin, Blanche-Fleur n’en doutait pas en tout cas. Mais il ne voulait pas n’annoncer, il ne savait pas ce qui l’avait poussé à se poster de cette façon derrière l’homme qui ne lui inspirait pas non plus toute la sympathie du monde… Toutes ces réflexions jusqu’à ce qu’un petit mouvement venteux soulève ses longs cheveux argentés, une mèche allant s’abandonner sur la nuque de son « vis à vis » . Là, le jeune homme s’arrêta brusquement, le corps tendu et immobile, à l’affût d’un mouvement, d’un bruit, prêt à déguerpir à la moindre violence… D’ailleurs si l’homme devant lui se retourne, il aurait plutôt la vision fantomatique d’un jeune garçon, plutôt que d’une personne bien réelle et en chair. Parce qu’ainsi posté, droit et presque charismatique, le visage serein, et fermé, les yeux fixes et vides, seule sa tunique voletant sous les coups malins d’un vent nocturnes, il ressemblait certainement plus à un mort qu’autre chose. Enfermé dans son silence, et dans son ignorance de l’Autre... et comme l'aurait chanté une si belle poupée de chiffon..." Il y a une ombre dans le vent..."

Blanche-Fleur le sentit se retourner, mais ne prédit pas l’arme prêt de son visage. Ses yeux s’écarquillèrent brièvement mais il ne bougea pas et se contenta de fixer l’inconnu. Tiens, il n’avait encore jamais vu de personnes de ce genre. Celui-là était assez terrifiant, et armé qui plus est ! Il resta immobile, ne cillant pas, s’engouffrant dans son silence démesuré. Le visage de son vis à vis était tapissé de la même expression que le sien, fermé, froid, presque insensible. Notant la couleur des yeux de l’homme, Blanche-Fleur pensa un instant qu’il n’était donc pas le seul à avoir une couleur d’yeux étranges, mais après quelques instants de contemplations, il se rendit compte que cette couleur n’était due qu’à une lentille. Soupire. C’était bien triste. Et comme il s’y attendit, l’homme lui parla, lui demanda qui il était. Rien aurait-il pu répondre, je ne suis rien… Mais il n’ouvrit pas la bouche, se laissant pour muet. Il vit le regard de son vis à vis tomber sur son corps, tiens donc, pourquoi le regardait-il ? Jamais on ne le regardait d’habitude. Il savoura le froid un instant, cette nuit presque glaciale, l’atmosphère aussi. Il savoura le piquant du vent, l’air qui s’engouffrait sous son vêtement, ses cheveux voletant. Et il restait de marbre, si bien que s’il n’avait pas été passivement en mouvement, il aurait pu ressembler à une statue mortuaire. Des yeux carmins dans les siens. Un tressaillement imperceptible pour Blanche-Fleur. C’était bien la première personne qu’il croisait, qu’il avait en face de lui, qui lui adressait la parole, que le touchait du regard, et juste pour ça, le cœur du wiccan manqua un battement.
C’était étrange. Il était étrange.

Suivant du regard l’arme qui s’abaissait, un soulagement dans les poumons, le jeune sorcier écouta attentivement les nouvelles paroles de la personne. Fantôme ? Chasse ? Vampires ? Mais où était-il tombé ? Quels étaient ces choses ! Toujours fixant l’homme en face de lui, et à l’odeur, Blanche-Fleur comprit vite qu’il était humain, le regard grisâtre du wiccan tomba sur l’arme qui l’avait menacé un peu de temps avant. Une moue de dégoût. Il trouvait ce genre de pratique vraiment ragoûtante, où était le plaisir de tuer avec une telle chose ? Où était le plaisir de tuer tout simplement ? Sentir l’acier chaud contre sa paume était-il aussi jouissif ? Tant de choses que le sorcier ne comprenait pas, ne comprendrait jamais c’était sur.

Ses yeux remontèrent jusqu’aux lèvres de l’humain. Levant la main jusqu’aux siennes, il resta un instant sans bouger ainsi. Puis il fronça les sourcils. Non il ne devait pas lui répondre. Cet homme ne devait pas entendre sa voix. Pas que celle-ci soit horrible, non bien au contraire, mais il avait vu beaucoup trop de choses étranges en compagnie de son ancien maître dès qu’il parlait qu’il avait préféré se taire. Comme si une voix avait le pouvoir d’ensorceler quelque chose… Approchant sa main fine et osseuse du visage de l’humain, posant ses doigts pâles sur les lèvres de celui-ci, le visage de Blanche-Fleur devint soudain plus expressif, comme une grande interrogation. Il devait user de ses cordes vocales sinon, il n’allait pas finir la nuit. Après tout, aucun pouvoir contre des armes… Il n’allait pas vraiment faire long feu. Alors doucement, il ouvrit la bouche, laissant une voix chantante et cristalline s’en échapper, une litanie délicate et presque un souffle sensuel, et chaud, animée d’une lenteur irréelle un détachement parfait de chaque syllabe, de chaque mot. La pesée de la parole, l’utile et l’agréable.

« Et vous qui êtes-vous ? Vous qui vous promenez armé comme si nous étions en temps de guerre. Qu’est-ce qu’un vampire ? Est-ce dangereux ? »

Il marqua une légère pause, fermant les yeux, reprenant sa respiration, laissant une nouvelle fois la sensation du vent l’enivrer, la caresse du mouvement des feuilles, et la chatouillement de l’herbe contre ses pieds nus. Oh non, pour rien au monde il ne renierait cette Nature qui a eut la bonté de le sauver, de l’éduquer… Ouvrant ses paupières, il posa de nouveau son regard gris sur l’homme. Sa main vint se poser sur la joue de son vis à vis, comme l’effleurement glacial d’un flocon lors des premières heures d’hiver. Et de nouveau, contre son gré, il ouvrit la bouche pour parler, de la même manière si propre à lui, et à sa nature.

« Je m’appelle Blanche-Fleur, je suis ce que l’on pourrait appeler un Wiccan. Rien de plus. »

Doucement le jeune homme assimila les réponses de son vis à vis, il regardait aussi ses gestes ses réactions, quand celui-ci quitta d’un pas en arrière sa main, il sentit la peau de ses doigts, de sa paume le démanger… Première personne qu’il touchait réellement. Drôle de sensation, un picotement presque agréable, il ne savait pas que la peau d’un être pouvait être veloutée… Nouvelle connaissance. Il apprit aussi ce qu’était un vampire… Une chose déjà morte ? Blanche-Fleur écarquilla les yeux. Quelle était cette abomination, non cette absurdité ? Une personne morte ne peut revivre… Et ces bestioles l’adoreraient, il était un apéritif ? Seraient-ils en plus de mort, des cannibales se rassasiant de la chair de vierges auréolées de pureté leur donnant un peu plus de vie à chaque fois ? Un vampire…

Pourquoi le Maître ne lui en avait-il pas parler ? Pourquoi ne lui avait-il pas dit que de telles créatures existaient ? Et qu’en plus, elles arpentaient le cimetières où il avait l’habitude de se promener par de tels soirs de grand froid ? En parlant de froid, le jeune humain eut un frisson… Léger et discret, mais il avait jurer d’accepter les saisons, de s’en enivrer, et de laisser les caprices telluriques jouer de leur mieux avec lui. Oui, il était sensible au vent glacial, et il envia presque le manteau de l’inconnu. Mais non, il était un Wiccan, il sorte d’humain « supérieur », il se devait donc de respecter ses promesses. Que de naïveté en de telles pensées, le beau Candide aurait pu pâlir de honte.

Il regarda l’humain en face de lui. Il ne savait toujours pas pourquoi celui-ci était armé jusqu’aux dents, ni cela à quoi pouvait-il bien servir, mais diable ! oh grand jamais il e poserait ces mains sur de telles abominations ! Ces accessoires de tuerie ne sont que le reflet de la bêtise humaine, et le jeune sorcier éprouvait presque une sorte de misanthropie récurrente. Enfin, c’était fort dire, il ne connaissait pas les autres… Les mèches argentées se soulevèrent une nouvelle fois sous un coup de vent, donnant de nouveau un aspect irréel à la jeune fleur. Il sentait son vis à vis, il dépeçait et disséquait son odeur, il ne lui avait pas donné de nom, alors il chercherait sa nature là-dedans. Et il étudiait son visage, il le dessinait mentalement, pour l’avoir dans sa mémoire, gravé et indélébile.

« Je ne suis pas un met à servir aux repas de quelques créatures sanguinaires et anthropophages. Pourquoi voudraient-elles de moi, je ne sais même pas qui elles sont… Et vous, comment les connaissez-vous ? En êtes-vous un ? êtes vous une créature étrange aux mœurs tout aussi spéciales que votre nature ? Vous connaissez d’autres wiccans ? Savez-vous où je pourrais apprendre le monde ? »

Plus bavard qu’il n’y paraissait, mais il se contenait… L’humain en face était la première personne à lui adresser la parole, à s’intéresser à lui un instant, il avait un flot de questions se battant sur le bout de ses lèvres. Mais il n’aimait réellement pas sa voix, trop belle, trop enchanteresse, trop magique et féerique. Combien devait le prendre pour une fée, lui si efféminé et intouchable ? Blanche-Fleur se rapprocha du corps de son vis à vis, laissant tout de même une distance entre eux, faut pas lui en demander trop non plus. La sensualité qu’esquissait son visage, son attitude, le rendait presque inhumain, il n’était ni quelque chose, ni rien. Il planta ses yeux gris dans ceux artificiels d’Axel, et ne cilla plus, ne parla plus un instant, il était immobile, seuls ses longs cheveux et sa tunique bougeant, dansant sur le rythme changeant du vent mordant.

Blanche-Fleur avait écouté sagement les paroles de l’humain. Oh un vampire sent la mort ? Bien, il les reconnaîtra facilement alors ! Ils sont des criminels ? Ah ça, c’était moins bien… Et… il n’y avait pas de wiccans à Saint Louis. Mais si ! Il y avait lui !! Enfin, avec son mode de vie, pas étonnant que personne ne connaisse son existence. Tout en continuant d’écouter, il vu qu’il avait raison sur un point, il y avait bel et bien des gens qui mangeaient des humains…. Des métamorphes avait-il dit… Puis quand à la remarque si le froid et son aspect…. Blanche-Fleur baissa les yeux, de toute façon il n’était jamais efficace. Il ne se connaissait aucun pouvoir, mis à part la séduction, alors autant dire tout de suite qu’il était inefficace. Le jeune wiccan fronça les sourcils. Il regarda ensuite l’humain retirer une chaîne pendant à son cou, avec beaucoup de précaution.

La Fleur regarda le bijou quand il se présenta à lui, avec un haussement de sourcils perplexe. Une croix en argent. Puis de nouveau il écouta les paroles de l’humain et la ses sourcils restèrent froncés. S’il était croyant ? Il devait prier ? Croire en ses dieux ? Certes, son statut de wiccan faisait qu’il avait foi en le Masculin et le Féminin, mais il n’était ni un fanatique ni un adepte réel. On l’avait élevé dans cette optique de croyance et c’est tout. Il n’était ni rituel, ni guidé par cela. Il voyait qu’en quelque sorte l’humain le sous-estimait. Un sourire mystérieux vint à se loger sur les lèvres fines et délicates du wiccan, et il continua à regarder Axel, alors que celui se rapprochait tout en tendant la chaîne pour lui en orner le cou.

Les deux mains osseuses et blanches du wiccan vinrent à frôler celles de l’humain, et il attrapa la chaîne à son tour. Son sourire avait disparut et son regard était froid. Rare et magnifique regard. Le visage complètement inexpressif et figé, comme si toute vie était tombée de Blanche-Fleur. Son corps était immobile, et alors que le vent continuait sa danse, tout était statique chez le wiccan, ,noble statue de chair. Et le seul mouvement qu’il eut fut pour ouvrir sa bouche et laissait couler toute sa séduction dans sa voix.

« Sache que je ne fais pas partit des corrompus qui adulent pour mieux se protéger, qui sont imbus de dieux qui n’ont jamais montrer preuve de leur existence. Oui, j’ai foi en Elle et au Dieu Cornu, mais je crois plutôt en la Nature véritable. Un dieu ne me protégera pas face à un danger, alors que l’environnement si. »

Il tira violemment, avec une force que l’on aurait jamais pu lui attribuer, jusqu’à briser la chaîne, dans un bruit métallique et résonnant. Toujours en fixant Axel, Blanche-Fleur sourit distraitement, les débris de la chaîne gisant sur le sol. Le vent sembla faire demi tour, et souffla en sens inverse, soulevant cette fois-ci les cheveux argentés du wiccan.

« J’ai peut-être l’air faible et sans défense, et je le revendique, je ne suis rien. Mais j’ai un contrôle, une écoute et une voix sur ce qui nous entoure. Je peux me fondre dans la Nature aussi bien qu’une créature sanguinaire dans l’ombre. »

Et puis plus rien, le vent retomba, et en baissant les yeux, aux cotés des morceaux épars de la chaîne, la croix reposant presque tranquillement sur l’herbe humide. Herbe qui avait poussé un peu plus rapidement sous et à cotés des pieds de Blanche-Fleur contrairement aux pousses du parc. Une inspiration à la Nature, à la débauche luxuriante, à l’intouchable…

Avec une immobilité presque parfaite, la Fleur écouta les paroles. Et vit l’humain rire. Il ne comprit pas pourquoi, ses propres dires avaient été si naïf, si sincères et spontanés. Peut-être était-il simplement vexé que Blanche-Fleur ait brisé la chaîne. Donc il ne bougea pas, il regarda presque amèrement l’humain partir. Il se baissa et ramassa la chaîne brisée et la croix. Croix qui lui brûla presque la main par son contact froid. D’ailleurs maladroit qu’il était, il réussit à s’entailler le doigt avec un des rebords du bijoux. Il regarda son sang un instant comme hypnotisé. Puis son regard gris se tourna vers la silhouette qui s’effaçait dans la nuit. Remords quand tu nous tiens. Persuadé qu’il avait blessé le chasseur de vampire, il s’élança en courant, léger comme une fleur, à la rencontre de celui qui avait juste lui sauver la vie.

Et enfin, il se posta devant l’humain, essoufflé, et le haut des joues légèrement roses. Contraste presque étonnant compte tenu de sa pâleur naturelle. Il regarda un instant l’humain, et s’excusa en murmurant. Il serra très fort le contenu de sa main, et se concentra un instant. Oui, il savait réparer de toutes petites choses de ce genre grâce à sa magie, mais vraiment, pas plus. Il tendit devant le visage de l’humain, la chaîne refaite, et il se pencha, pour la ré-attacher au cou de celui-ci. Il passa derrière lui, il écarta les longs cheveux, il passa la chaîne et doucement la referma pour la rendre intact à son propriétaire. Un soupire, que du certainement sentir Axel dans sa nuque. L’odeur de peur, de regret et de fleur émanant du corps fragile de Blanche-Fleur commença de nouveau à s’étaler autour de lui.

« Vous avez raison… Et puis au fond, qui a t’il de mal à être imbu d’une certaine croyance, quand on sait très bien que vous n’êtes pas vivant aux yeux de la Société, et que personne ne remarquera votre mort… que la seule personne qui connaît votre réelle existence se trouve en plein centre d’une forêt dédaléenne et que plus jamais vous ne pourrez vous y retrouver. »

Blanche-Fleur revint devant le chasseur, et lui adressa un sourire presque franc, et éphémère, ne correspondant pas du tout avec ses paroles prochaines :

« Et puis, si vous me retrouvez un jour, vidé de mon sang, dites-vous que je n’étais qu’un fantôme… »

[désolé c'est petit y a eut un manque d'inspiration ]